À Cuba, traquer le cancer pour mieux le prévenir
À Cuba, le Registre national du cancer joue un rôle indispensable dans la prévention d’une maladie en pleine expansion. Avec le soutien crucial de l’ONG mediCuba-Suisse.

« Pour lutter contre le cancer, la formation du personnel de santé est un facteur central. Et grâce à l’appui de mediCuba-Suisse, nous avons pu réaliser de grands pas en la matière. » Depuis plus de trois décennies, Yaima Galán lutte contre les ravages causés par le cancer. Cette mathématicienne, spécialisée en épidémiologie et en santé publique, est à la tête du Registre national du cancer (RNC). Le RNC? Créé en 1964, ce dispositif permet au ministère cubain de la Santé de piloter au plus près le traitement et la prévention d’une maladie qui a fauché 26 791 personnes dans le pays en 2021 – 15 450 hommes et 11 341 femmes, ce qui en fait la seconde cause de mortalité à Cuba. Malgré l’ancienneté du RNC, son bon fonctionnement reste un défi permanent sur une île dont les ressources sont limitées drastiquement par l’embargo qui la frappe depuis 62 ans. Dans ce contexte, l’appui de mediCuba-Suisse joue un rôle décisif.
Prendre le pouls du cancer
Dans les quinze provinces du pays, le RNC mobilise une cinquantaine d’employé·e·s. Leur tâche: faire remonter vers le ministère de la Santé, à La Havane, les informations permettant de dresser un panorama fidèle de la maladie sur l’île – fréquence et types de cancer selon les territoires, âge et profil des malades, causes de la maladie. « Chaque médecin qui diagnostique un cas de cancer doit nous le notifier », résume Yaima Galán. En parallèle, le registre actualise la liste des outils permettant de prévenir et combattre la maladie – médicaments et traitements, mais aussi formations destinées au personnel. Les employé·e·s du RNC saisissent ensuite cette masse de données dans le registre national, la travaillent et en extraient une synthèse actualisée. « Leur contribution est fondamentale pour renforcer les trois piliers de la lutte contre cette pathologie: la prévention, la détection précoce et le traitement », souligne Manuel Vanegas, coordinateur de mediCuba-Suisse à La Havane.
Un exemple? « Grâce à ce registre, nous avons pu identifier que, dans les provinces orientales du pays, les femmes sont plus souvent frappées par le cancer du col de l’utérus que dans le reste de l’île », explique Yaima Galán. Ce constat a permis au ministère de diriger une part plus importante des traitements disponibles vers cette région, tout en y renforçant la formation du personnel. Surtout, « les campagnes de diagnostic précoce ont été renforcées. La prévention de ce type de cancer a ainsi été grandement améliorée », souligne la directrice du RNC.

La formation au centre
D’une durée de 4 ans renouvelables, le soutien de mediCuba-Suisse au RNC s’organise sur trois axes. Le point fort consiste dans le financement d’un processus de formation continue. Intitulé Foco, il vise à garantir la qualification de l’ensemble des professionnel·le·s en lien avec le registre – des spécialistes de données aux oncologues, en passant par les technicien·ne·s et les infirmières. Le projet prend en charge les voyages des formateurs, le coût des ateliers, mais aussi la publication de manuels et de nouveaux protocoles. Deuxième volet: le soutien aux échanges internationaux. Cuba peut ainsi profiter des savoir-faire accumulés par d’autres pays en la matière, tout en partageant le sien. Troisième pilier: l’acquisition des équipements indispensables au travail de l’équipe: ordinateurs, papier, matériel audiovisuel. Un aspect fondamental dans un pays où « le personnel travaille avec des équipements vétustes, qui tombent souvent en panne. »
Renforcer le service public
Le soutien de mediCuba-Suisse a permis une actualisation décisive du RNC, souligne Yaima Galán. « Le service public de santé cubain peut ainsi compter sur un personnel formé et équipé de manière adéquate dans un domaine où les connaissances progressent constamment », précise la scientifique. L’échange permanent avec de nombreux pays, notamment au sein de la région caraïbe, démultiplie les effets de cette coopération, ajoute Manuel Vanegas.
Comment cet appui fonctionne-t-il? Contrairement à la plupart des organisations internationales, mediCuba-Suisse ne verse pas de salaires dans le pays partenaire: l’ensemble des intervenant·e·s du RNC sont des salarié·e·s du système de santé cubain, et c’est vers ce service public que les ressources financières sont injectées. « Cela évite de créer une structure parallèle », précise le coordinateur de l’ONG.
Un rôle à développer
Selon l’Organisation panaméricaine de santé, les décès liés au cancer augmenteront de 60 pour cent sur le continent au cours des deux prochaines décennies. L’action du RNC sera donc appelée à se développer. Dans cet objectif, un nouveau projet de soutien avec mediCuba-Suisse est sur pied. Il couvrira les années 2025 à 2028 et inclura une aide d’urgence, sous la forme de l’envoi de containers remplis de matériel médical. Un volet plus que nécessaire au moment où la pire crise économique depuis les années 1990 impacte durement la prévention du cancer à Cuba. « En favorisant l’émigration, cette crise érode la quantité comme la qualité des ressources humaines disponibles. En même temps, elle aggrave la pénurie de médicaments et d’équipements », indique Manuel Vanegas. Un contexte incertain qui, aux yeux de toutes celles et ceux qui œuvrent sur l’île à la prévention de cette pathologie en pleine expansion, rend d’autant plus précieux le partenariat tissé avec mediCuba-Suisse.


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Le programme de mediCuba-Suisse est soutenu par la DDC (DFAE), dans le cadre du programme institutionnel dʼUnité 2021-2024.