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« Pour être durable, le développement doit être porté avant tout par les communautés locales concernées »

Entretien avec Raji Sultan, Secrétaire Général d'Unité.

Ghislain Alofa-Kponve
Raji Sultan, Secrétaire Général d'Unité

Créée en 1964, Unité est la faîtière des organisations suisses pour l’échange de personnes dans la coopération internationale. À l’heure où la CEP cherche à intégrer de plus en plus la localisation du développement, Raji Sultan répond à Ghislain Alofa-Kponve (Ghislain Alofa-Kponve, envoyé DM et chargé de communication du Secaar).

En quoi la coopération par l’échange de personnes (CEP) offre-t-elle une approche de la coopération particulièrement pertinente selon vous ? Notamment en termes d’impact ?

La CEP est particulièrement pertinente, car elle se focalise sur le renforcement d’institutions et organisations locales dans les pays du Sud global, sur la base de leurs propres besoins. Les liens tissés et la confiance bâtie grâce au travail commun sur le terrain au sein de partenariats de longue durée sont uniques. Ils favorisent un dialogue ouvert et critique entre les partenaires, au service de l’efficacité des programmes. La CEP contribue également à une meilleure compréhension mutuelle entre les sociétés impliquées dans les échanges de personnes.

J’imagine que la CEP est aussi touchée par certains défis qui lui sont propres ? Lesquels ?

Il est aujourd’hui clair que, pour être durable, le développement doit être porté avant tout par les communautés locales concernées dans les pays où les projets sont mis en œuvre. Chaque acteur du développement doit s’interroger, dans ce cadre, sur ses pratiques et la CEP ne fait pas exception. Elle est parfois mal perçue, car associée au « volontourisme » organisé par des organisations sans scrupule qui envoient des personnes non qualifiées auprès de populations vulnérables.

La CEP doit encore plus clairement se distancer dans la communication de telles pratiques néfastes, et ne pas véhiculer une image de « sauveur blanc » qui ne correspond ni à la réalité des partenariats, ni à celle des objectifs. Elle doit aussi poursuivre dans ce sens le développement de la réciprocité dans les échanges de personnes, c’est-à-dire favoriser des échanges qui ne sont pas de la Suisse vers le Sud global uniquement, mais aussi du Sud global vers la Suisse, et entre pays du Sud global. La recrudescence de conflits et l’insécurité constituent par ailleurs un défi majeur pour les échanges de personnes. Il faut, dans ce cadre, adopter des stratégies plus flexibles, renforcer une gestion de programme sensible aux conflits et étoffer l’éventail des appuis qui peuvent être fournis aux organisations partenaires. Au niveau de notre association faîtière, nous encourageons les échanges d’expériences et partageons des bonnes pratiques sur le travail dans les contextes fragiles. À ce titre, nous venons de terminer une étude sur le nexus (les relations et les synergies, ndlr) entre la coopération au développement, l’aide humanitaire et la promotion de la paix.

Unité vient de célébrer son 60e anniversaire. Quelles sont les perspectives pour l’engagement de votre faîtière et ce modèle unique de coopération ?

La baisse des financements publics pour la coopération au développement constitue un défi considérable pour la CEP, comme pour le reste du secteur. Malheureusement, on voit le repli sur soi se répandre dans de nombreux pays et remettre en cause la solidarité internationale, tout comme les droits humains à l’échelle globale. Face à cela, nous devons nous efforcer de rappeler que la stabilité et le bien-être du reste du monde sont dans l’intérêt de la Suisse, tout comme un système international plus juste et équilibré. La CEP peut et doit jouer un rôle crucial dans ce contexte, afin de maintenir l’appui aux partenaires, favoriser le dialogue entre le Nord et le Sud, faciliter des réflexions autocritiques, porter la voix des personnes les plus vulnérables, ainsi que promouvoir un monde plus juste et plus solidaire.

Ce texte est d'abord paru dans le >> DM Magazine « Nos actualités sur le terrain » (N° 17, mars 2025 - mai 2025).

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